Le Couvent des Supplices

Édifié d’après la tradition sur le lieu des supplices infligés à saint Grégoire l’Illuminateur avant son enfermement dans le Puits Profond d’Artaxata (v. n° 39), le couvent des Supplices a été d’abord dédié à la Mère de Dieu, conformément à une tradition transmise par les martyrologes selon laquelle une église dédicacée à la Vierge avait plus tard été élevée par l’Illuminateur sur ces mêmes lieux. Il est situé au sud-est d’Erznga [Erzincan], en amont du village de Méghoussig [Yalınca], sur la rive gauche du torrent de Merdjan [Mercan], à 39° 35' N et 39° 41' E, au pied du Mont Doujig [***], l’un des sommet de la chaîne de Mntzour [Munzur]. Il a été également appelé Petit couvent de l’Illuminateur (P‘ok‘r Loussavortchi Vank‘ ), pour le distinguer du Grand, établi sur les hauteurs du mont Sébouh [Kara Dağ] (n° 45).

Le couvent a été au Moyen-âge un scriptorium, cité comme tel en 1272 et 1477, mais qui périclite à partir du XVI^e siècle, après la conquête ottomane, comme c’est le cas de la plupart des monastères de cette région de la Haute Arménie ; les compagnies djélali, notamment, le ravagent au XVII^e siècle. Il est resté un lieu de pèlerinage, enrichi d’une relique de l’Illuminateur et des pointes qui avaient servi à le tourmenter, mais aussi de parchemins vénérés qui, avec différentes pièces d’orfèvrerie, constituaient son trésor. Au XIX^e siècle, il était dirigé par une dynastie de prêtres séculiers, à laquelle appartenait le supérieur Ghévont, qui fut tué pendant l’attaque et le pillage du couvent en 1895. Son administration était confiée à un conseil formé par les représentants des quatre villages qui composaient sa juridiction : Méghoussig [Yalınca], Akrag ou Medz Akrag [Konakbaşı], Gharat‘ouch [Karatuş] et Djandjigué [Çağlayan].

Bâti sur une langue de terre en bordure du lit du torrent, le couvent des Supplices se compose : de l’église Saint-Grégoire, mononef voûtée en berceau de 14,6 × 9,9 m, à doubleaux et contreforts externes et à abside rectangulaire saillante, reconstruite dans les années 1850 ; d’une épaisse enceinte en terre de 60 × 41 m munie aux angles nord de tours d’observation, à laquelle s’adossent logis, cuisine, réfectoire, cellier, écurie, étable, grange et rucher ; d’un jardin intérieur agrémenté d’une fontaine et d’un bassin. Il possédait des vergers et des prairies, ainsi que des terres arables qui s’étendaient sur le plateau de Dchodchgants, à main droite du torrent.

Confisqué après la Grande Guerre, le couvent des Supplices est à présent en ruines. L’église Saint-Grégoire n’a plus que son abside et un pan de son mur nord. La fontaine et son bassin ont disparu, et les communs sont effondrés. Quoique ravinée et dépourvue de ses superstructures, la muraille est en partie conservée.