Le monastère du Saint-Illuminateur de Moudourga est situé à l’est de Garin/Erzeroum, au-delà des coteaux bordant la vallée de Gaydzagi Tzor [***], à 39° 57’ N et 41° 19’ E ; il est bâti sur un promontoire qui surplombe la gorge et la cascade de Gogotchan [***] et domine du côté est le village de Moudourga [Müdürge, Çayırtepe].
Si la tradition fait de de ce monastère une fondation ancienne, il est surtout cité comme scriptorium à partir du XVIe siècle et tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Rénové dans les années 1650 par le docteur Serge de Constantinople (Sarkis Sdamboltsi) et l’évêque Lazare (Ghazar), il était jusqu’au milieu du XIXe siècle, la résidence des primats de ocGarin/Erzeroum, qui ont aussi séjourné par intermittence au Couvent Rouge de Hintzk‘ (n° 37). Le monastère doit son nom à une tradition selon laquelle saint Grégoire l’Illuminateur, au tournant des IIIe et IVe siècles, sur le chemin qui le conduisait à la prison de la Fosse ou du Puits Profond (Khor Virab) d’Artaxata (Ardachad), avait d’abord séjourné en ces lieux, où il avait été enfermé dans un premier Puits ; sur cette fosse a été élevée plus tard une chapelle. Celle-ci est englobée en réalité dans l’église principale du monastère, construite au milieu d’une vaste cour. Endommagée par le tremblement de terre de 1859, cette église a été reconstruite en 1861 par les soins de l’archevêque Haroutiun Véhabédian, et rénovée en 1898. Contre le mur droit de l’église se trouve la sépulture anépigraphe du catholicos Sahag Ahakin de Këghi [Kiğı] qui, refusant l’onction, s’était établi d’abord à Constantinople, puis pendant près de cinq ans à Garin/Erzeroum, résidant tantôt au Couvent Rouge de Hintzk‘, tantôt au monastère du Saint-Illuminateur, où il a terminé ses jours en 1763. Contre l’enceinte sud se dresse la petite église Saint-Serge, construite en 1161. Elle a été restaurée en 1720 par le supérieur Khatchadour de Constantinople. Une fontaine et un bassin ont été construits en 1734 dans l’espace intra muros, qui abritait aussi une bergerie et une grange. Le dernier supérieur du monastère de Moudourga a été le P. Nersès Der Sarkissian, mort martyr en 1915.
Le monastère Saint-Illuminateur, cour d’entrée (N. Dolens, Le tour du monde, 1906, 521).
Le monastère du Saint-Illuminateur de Moudourga comprenait l’église du Saint-Illuminateur, un édifice en croix inscrite surmonté d’un dôme, dont la sacristie nord s’étendait au-dessus de la fosse de l’Illuminateur ; une grande enceinte à laquelle étaient adossés sur trois côtés et sur deux niveaux les communs, compartimentés en une soixantaine de logis destinés aux moines et aux pèlerins ; l’église Saint-Serge accolée à l’enceinte sud, voûtée en berceau dans sa partie est ; une fontaine et un bassin édifiés dans la cour. En 1913, un incendie endommagea certaines œuvres d’art conservées dans l’église principale. D’autres étaient conservées dans l’église Saint-Serge. On y voyait notamment trois tableaux : deux compositions consacrées à la sainte Vierge datées de 1691 et probablement 1769, et une représentation de saint Serge peinte en 1651. De nombreuses stèles à croix, ou des fragments de stèles, anciens, avaient été encastrés dans les murs des églises. D’autres restaient en place, dans le cimetière situé hors des murs. Quant aux manuscrits, ils avaient été mis à l’abri dans le musée du collège Ardznian, en ville (v. n° 35). Quinze villages, dont Moudourgou et Archni [***] entraient dans la juridiction du monastère, qui possédait par ailleurs de vastes étendues de terres.
Confisqué après la Grande Guerre, le monastère du Saint-Illuminateur de Moudourga a été entièrement détruit. Un lieu de pèlerinage musulman aurait été créé à son emplacement.
Kossian PH(2), 1925. Oskian, 1951, 141-151. Devgants, 1991, 42-44. Thierry, 2005, 45-46